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Entre 6 et 8 millions de Français n’ont pas accès à la mobilité

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Selon l’étude Mobilité, insertion et accès à l’emploi : constats et perspectives réalisée par Auxilia à la demande de Total et de Wimoov, entre 6 et 8 millions de Français n’auraient pas accès à la mobilité soit 20% des adultes en âge de travailler. Cette étude établit un état des lieux de l’accès à la mobilité grâce à la réalisation d’une centaine d’entretiens avec des interlocuteurs nationaux et locaux, et l’organisation de trois enquêtes quantitatives.

D’abord, les personnes disposant de peu de ressources, et notamment les personnes en insertion ou en recherche d’emploi, sont moins mobiles que la moyenne. Les personnes en situation de précarité doivent habiter de plus en plus loin des zones d’emplois et donc accepter une mobilité croissante. Selon l’étude d’Auxilia, les ménages pauvres sont deux fois plus nombreux que la moyenne à se déplacer à pieds. En effet, 40% des ménages pauvres n’ont pas voiture contre 18% en moyenne. S’ils possèdent un véhicule, ce dernier est âgé de 11,2 ans contre 8,7 ans en moyenne. Il s’agit surtout de voitures d’occasion dont le prix d’achat est certes moins élevé mais pour lesquels les frais engendrés par la suite sont plus importants. Par ailleurs, seul la moitié des participants à l’enquête ont le permis de conduire dont un tiers seulement possèdent une voiture. Un quart des participants aux enquêtes déclarent n’avoir aucun moyen pour se déplacer. Ces personnes doivent alors remplacer leurs déplacements liés aux loisirs par les déplacements liés à l’emploi.

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Le premier frein à la mobilité est le manque de moyens financiers, ce qui se révèle être un constat logique puisque le coût des transport constitue le troisième poste de dépenses des Français (environ 15% selon l’INSEE), dont 83% porte sur la voiture. Les freins à la mobilité sont également géographiques. En effet, l’aménagement du territoire a été conditionné par l’essor de la voiture, défavorisant les ménages les plus modestes, surtout en milieu rural. Même en zone urbaine, la desserte des emplois par les transports publics n’est pas toujours garantie : en Île de France, tous modes de transports confondus, 44% des emplois sont accessibles en moins d’une heure aux ouvriers contre 65% pour les cadres. Cela s’explique par le fait que les emplois et les commodités sont plus éloignés des lieux de résidence des ménages modestes que ces des ménages plus aisés. Selon l’étude d’Auxilia, cela créer des « trappes géographiques » dont les précaires parviennent difficilement à sortir. Ensuite, les freins sociaux et organisationnels entravent la mobilité des précaires. Les familles monoparentales et nombreuses, dont l’organisation de la vie de famille est plus compliquée, sont surreprésentées au sein de la population pauvre. Par ailleurs, les précaires occupent souvent les emplois les moins qualifiés avec des horaires fragmentés et les métiers mobiles comme les services à la personne ou le BTP. Par exemple, les ouvriers sont deux fois plus nombreux que la moyenne à travailler à temps partiel. Ensuite, la mise en œuvre des compétences et outils nécessaires à la mobilité peut s’avérer être un frein à la mobilité. 3 millions de personnes déclarent rouler sans permis ou sans assurance ou contrôle technique valide. De plus, pour être autonome dans ses déplacements, il faut maîtriser l’écrit afin de d’être capable de lire et comprendre un plan, de créer un itinéraire ou d’utiliser les machines automatiques souvent complexes. Il faut également maitriser des normes économiques (avoir une carte bancaire) et des normes de comportements (savoir-être, compostage du titre de transport) ce qui peut être plus compliqué pour les précaires pour des raisons économiques mais aussi, parfois, en raison d’un déficit de capital social. Enfin, les freins psychosociaux conditionnant la perception du territoire et son usage entravent l’accès à la mobilité des précaires. En effet, la mobilité peut devenir une contrainte et un risque ce qui produit un phénomène de « trappe à mobilité ». Selon l’étude, certaines personnes s’interdisent donc de franchir des frontières fictives. Par ailleurs, les précaires peuvent transformer cette immobilité en ressource psychologique et socioéconomique sur un territoire de grande proximité, afin de créer des interactions avec un réseau social proche ou de chercher un emploi mais avec un impact cependant extrêmement limité.

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Les catégories sociales les plus modestes sont donc victimes d’une double peine. En effet, les ménages précaires sont ceux qui habitent le plus loin des lieux d’embauche potentiels alors qu’ils disposent de moyens de transports limités, ne facilitant pas leur accès à l’emploi. Selon Eric Le Breton, les personnes précaires doivent faire face à une double fragmentation : l’étalement complexe des agglomérations dans lesquelles il est toujours plus compliqué de se déplacer et le développement des emplois atypiques, ce qui accroît la dépendance à la voiture. Par ailleurs, cette dépendance à la voiture pour les trajets domicile-travail, surtout en zone rurale, augmente de deux points la facture énergétique des ménages précaires selon l’INSEE. En milieu urbain, la complexité de la tarification sociale des transports en commun, qui ne concerne que 10% des voyageurs, génère un non-recours institutionnalisé. Certains territoires sont plus touchés que d’autres en terme de trappe à mobilité, c’est notamment le cas des zones rurales et périurbaines ainsi que des zones urbaines sensibles. Pour les populations des zones rurales et périurbaines, la concentration des activités (emploi, loisirs, écoles, centres administratifs, etc.) vers les zones urbaines créé une forte dépendance à la voiture ce qui est difficile à supporter financièrement pour les ménages modestes. Ainsi, en zone périurbaine, les distances parcourues par an sont supérieures de 8 000 à 10 000 Km à la moyenne, ce qui représente un surcoût de 3 000 euros par an pour les ménages, dont 1 000 euros de carburant, ce qui est non négligeable pour les ménages modestes qui sont aussi les plus affectés par la hausse des prix de l’énergie. Quant aux zones urbaines sensibles, elles sont caractérisées par une surreprésentation des publics en difficultés sociales et professionnelles. En 2010, 36% des habitants y vivaient en dessous du seuil de pauvreté. En 2011, le taux de chômage s’élevait à 22,7% et à 40,7% pour les 15-24 ans. Par ailleurs, la motorisation des ménages dans les zones urbaines sensibles est plus faible que la moyenne. Cependant, cette faible motorisation n’est pas compensée par une offre suffisante et efficiente de transports en commun. Ces quartiers et ces populations sont donc isolés, enclavés, générant un sentiment « d’assignation à résidence ». Cependant, force est de constater que la mobilité est une clé d’insertion et d’accès à l’emploi. La mobilité est le deuxième élément déterminant dans le parcours d’insertion socioprofessionnel, après la formation et avant le logement et la santé. Dès lors, la mobilité apparait être le premier frein à l’emploi ou à la formation. En effet, ces problèmes de mobilité engendrent une série de renoncements et d’échecs chez les personnes précaires.

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En France, la politique de transports et de déplacements doit répondre à trois impératifs légaux : le droit au transport pour tous, la mobilité durable et l’accessibilité généralisée de tous à la ville. Les questions sociales sont donc absentes de la politique des transports. Dès lors, les enjeux sociaux de la mobilité ont progressivement été pris en charge par la politique publique d’insertion et d’accès à l’emploi. Ces politiques dites primaires connaissent cependant des limites. En effet, l’innovation en termes d’aide à la mobilité est de plus en plus le fait d’un « système secondaire des mobilités » (acteurs associatifs, accompagnants insertion et emploi, etc.). Le système secondaire apporte deux types de réponses aux besoins de mobilité : d’un côté une réponse financière et matérielles aux besoins de mobilité (aide financière, location de véhicule, covoiturage, etc.), de l’autre, une réponse pédagogique (formation mobilité, passage du permis de conduire, etc.). Les plateformes de mobilité développent un éventail complet de solutions mais privilégie grandement l’automobilité puisque l’automobilité est souvent perçue comme un enjeu d’intégration socioprofessionnelle et un critère de discrimination à l’embauche. Toutefois, bien que l’accès au permis de conduire soit la première modalité d’aide, son efficacité est à relativiser. Le coût du permis est largement sous-estimé : l’aide est de l’ordre de 1 200 euros alors que le coût réel est proche des 2 500 euros. Cela induit des problèmes financiers pour des personnes déjà en situation de précarité, ce qui conduit à des renoncements ou à des échecs. Par ailleurs, force est de constater la difficile pérennisation de ce système secondaire. En effet, les opérateurs sociaux de mobilité souffrent d’un modèle économique fragile puisqu’ils sont très dépendants des subventions publiques et œuvrent avant tout selon une approche non lucrative. D’ailleurs, ils ne bénéficient d’aucun statut ni de dispositifs juridiques et financiers adaptés au développement de leur activité.

Des solutions alternatives à la voiture existent mais elles restent trop peu accessible aux personnes en situation de précarité. En effet, l’effort des réseaux de transports porte sur les urbains actifs et non sur les précaires : abonnement privilégié, aide complémentaire de 50% de l’employeur, etc. Certes, des dispositifs existent pour les précaires, mais ils restent méconnus et la complexité de la tarification sociale génère un non-recours généralisé. En milieu rural ou périurbain, la dépendance à l’automobile ne cesse de croître puisque l’effort des responsables de transports porte en priorité sur les urbains. Quant au vélo, il reste très sous-utilisé parce qu’il souffre d’une approche culturelle confondant d’une part vélo et loisirs et d’autre part vélo et deux-roues motorisés, associé à un risque routier important. Enfin, les nouveaux services de mobilité, tels que l’autopartage ou le covoiturage, restent l’apanage des urbains actifs puisqu’ils sont inadaptés aux besoins des précaires. Les habitants des zones rurales sont clairement écartés de ces modes de transports alternatifs et restent totalement dépendant de l’automobile.

Enfin, les conclusions de l’étude Mobilité, insertion et accès à l’emploi : constats et perspectives mettent en exergue huit champ de recommandation pour favoriser l’accès à la mobilité des populations.

  1. Renforcer l’apprentissage et l’autonomie en mobilité, gage d’une meilleure insertion socioprofessionnelle.

Il s’agirait d’apprendre l’autonomie en mobilité dès le plus jeune âge, grâce au système scolaire, afin de maîtriser les modes de transports alternatifs, se repérer sur une carte, créer un itinéraire, calculer un temps de trajet, etc. Pour les adultes, l’autonomie en mobilité pourrait être développée grâce à des formations transversales en mobilité.

  1. Simplifier l’aide publique à la mobilité pour l’accès ou le retour à l’emploi.

Actuellement, les aides à la mobilité sont nombreuses et variées mais peu coordonnées et largement destinées à financer l’accès à l’automobilité. La simplification de la tarification sociale des transports en commun est une priorité car ils restent la principale alternative à la voiture. Par ailleurs, l’aide à la mobilité durable ciblant les actifs et les urbains pourraient être réorientée vers l’accès social à la mobilité. Ces aides permettraient, par exemple, de financer un vélo, un abonnement de transports publics pendant la première année de reprise d’un emploi, une formation à une mobilité autonome, un abonnement à un système d’autopartage, etc.

  1. Adopter une approche plus territorialisée du traitement des besoins.

La prise en charge des questions de mobilité doit devenir une compétence locale ou territoriale. Les experts recommandent également la création de collectifs locaux ou territoriaux dédiés à la mobilité qui réuniraient le Service Public de l’Emploi, les collectivités locales et territoriales, les intermédiaires de l’emploi et de l’action sociale, les employeurs, les associations, les opérateurs de mobilité. Ces collectifs auraient pour mission d’identifier les moyens techniques et financiers à mettre en place pour favoriser l’accès à la mobilité en prenant en compte la réalité des besoins et les pratiques de mobilité.

  1. Mieux impliquer les prescripteurs, les employeurs et les territoires grâce à l’incitation.

Selon les experts, « il faut modifier les objectifs professionnels de l’accompagnement à l’emploi en matière de diagnostic des freins à l’emploi » grâce à l’intégration de critères de mobilité durable. Par ailleurs, il est important d’inciter les employeurs à ne pas rendre le permis de conduire obligatoire pour les métiers non mobiles. Pour cela, les experts recommandent d’associer une échelle de mobilité aux métiers afin de ne pas orienter des demandeurs d’emploi qui n’ont pas accès à la mobilité vers des perspectives trop fragiles. Enfin, le système incitatif s’appuyant le versement transport doit encourager les employeurs à s’implanter plus près des zones d’habitations et des réseaux de transports en commun.

  1. Mettre les nouveaux services à la mobilité au service des précaires.

En milieu urbain, l’utilisation des nouveaux services de mobilité par les personnes précaires suppose un accompagnement de leur pratique par des formations et des mises en situations adaptées. En milieu périurbain et rural, il est urgent d’innover pour réduire la dépendance à la voiture : solutions de transports en commun plus souples, tarification combinée inter-territoires, dispositif de voitures en partage, développement du vélo, etc. Par ailleurs, les experts recommandent de proposer un accès moins onéreux des précaires à la voiture individuelle pour les déplacements qui restent incompressibles avec ce mode de transport.

  1. Reconnaître le métier des opérateurs sociaux de mobilité et renforcer leurs moyens d’actions.

Les opérateurs sociaux de mobilité sont les principaux vecteurs de l’innovation en termes de mobilité d’aide à la mobilité. Toutefois, ils sont fragilisés par le manque de reconnaissance de leur métier, de l’absence de dispositions juridiques ou réglementaires et les financements morcelés et aléatoires. A ce sujet, les experts recommandent la création et la définition d’un label national « opérateur social de mobilité » auquel serait adjoint un label de « plateforme sociale de mobilité ». Ceci devrait permettre une professionnalisation du métier ainsi qu’une hausse des moyens et une meilleure coordination.

  1. Valoriser, par l’évaluation, l’impact de la mobilité dans un parcours d’insertion.

Les aides à la mobilité étant rarement ou mal évaluées, il apparaît indispensable de définir un socle commun d’évaluation de l’action sociale en mobilité. Ce socle permettrait notamment de « distinguer d’une part l’évaluation de l’impact des aides à la mobilité sur l’accès à l’emploi ou le maintien dans l’emploi et d’autre part l’évaluation de l’impact des aides à la mobilité sur les capacités et l’autonomie en mobilité ».

  1. Contribuer à la création d’un espace de réflexion et de proposition.

Selon les experts de l’étude, il faut favoriser l’émergence d’une espace de dialogue, force de proposition, réunissant les acteurs publics et privés ainsi que la société civile autour du sujet de la mobilité durable. Les objectifs de ce « think tank » seraient de favoriser un dialogue entre les acteurs, de valoriser leur expérience et leurs complémentarités ainsi que de permettre une meilleure compréhension du sujet de l’accès à la mobilité et de combiner les savoir-faire afin de promouvoir des solutions de mobilité accessibles.

Alexandre Fournier

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